« Conte et PMA – Le jour 1 » raconte l’histoire d’un couple en parcours de PMA et dont la vie tourne dorénavant au rythme des cycles. C’est à la fois mon histoire et celle de nombreux couples qui ont entamé ce parcours.
Je vous laisse la découvrir.
Sophie

S’il y a bien quelque chose que j’ai appris avec la PMA, c’est le déroulement de mon cycle.
Pour moi, c’était juste un désagrément qui revenait trop rapidement avec ses douleurs et ses activités reportées, la crainte d’avoir une tâche sur mon pantalon. C’était bien l’une des raisons pour laquelle j’aurais préféré être un garçon.
Pour être honnête, je crois que je ne m’y suis jamais vraiment intéressée avant.
A l’époque, avoir un enfant ne m’intéressait pas. J’aurais bien le temps plus tard.
Or, s’il y a bien quelque chose que l’on oublie de nous enseigner, c’est bien l’urgence de notre corps.
J’avais bien entendu parler de « l’horloge biologique » mais, pour moi, elle touchait essentiellement les femmes de 40 ans et plus.
Ne voyait-on pas nombre de stars être enceintes jusqu’à près de 50 ans ?
Elles apparaissaient toujours rayonnantes, même à 8 mois de grossesse et ne semblaient avoir aucune difficulté particulière à concevoir un enfant.
Jamais je ne m’étais imaginée qu’elles pouvaient également passer par des traitements hormonaux.
Jamais avant de le vivre moi-même.
En même temps, comment aurais-je pu imaginer que le temps passait si vite ?
Quand j’étais enfant, ce même temps semblait si long (à part les vacances scolaires que j’attendais chaque fois avec impatience). Mes journées à l’école me semblaient durer une éternité. J’avais tellement hâte de quitter cet endroit, de prendre mon indépendance et de faire enfin ce que je voulais quand je le voulais.
Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous mais, à partir du moment où j’ai commencé à travailler, tout s’est subitement accéléré.
Comme tout débutant, quand j’ai entamé mon parcours professionnel, j’ai voulu montrer à ceux qui avaient accepté de me donner ma chance, qu’ils ne s’étaient pas trompés.
Alors, je travaillais jusque tard le soir, parfois même le week-end.
Parce que je voulais faire mes preuves mais pas uniquement.
Je découvrais enfin un véritable intérêt dans ce que je faisais. J’apprenais toujours mais différemment. C’était enfin concret.
Et pendant ce temps-là, les semaines, les mois, les années filaient.
Et cela, sans que j’en prenne pleinement conscience.
Je voyais bien des couples se former, des femmes heureuses afficher leur grossesse. J’étais sincèrement ravie pour elles. Avez-vous remarqué à quel point ce bonheur est communicatif ? Dès qu’une femme enceinte ou accompagnée d’un jeune enfant entre dans une pièce, même les plus grincheux semblent retrouver leur sourire.
J’ai moi-même eu longtemps cette réaction… avant que ce sentiment de bonheur soit remplacé par une onde de douleur rien qu’à l’annonce de ces grossesses.
C’est simple. Aujourd’hui, j’évite les femmes enceintes, les jeunes enfants ou tout simplement les discussions autour des parents d’élèves, des problèmes d’école ou des dernières péripéties du jeune Arthur.
Je me sens coupable.
Je m’en veux de ne pas être aussi heureuse que je devrais l’être pour ces femmes, amies ou collègues. Généralement, j’essaie d’échanger quelques mots avant de finalement m’éclipser discrètement.
Je crois que l’une des choses les plus dures à entendre, pourtant prononcées sans la moindre méchanceté, est cette interrogation : » Jules et toi ne voulez pas d’enfants ? Cela fait combien de temps que vous êtes ensemble ? «
« Attention, n’attends pas trop. Il est plus difficile d’en avoir après. »
Je voudrais leur répondre que je le sais. En fait, je le sais mieux que personne. Mais je préfère cacher cette douleur qui m’étreint quand elles m’en parlent. J’ai peur de leur avouer, peur de craquer, de m’effondrer. Je le porte comme une tare honteuse. Avez-vous remarqué que, dans notre société, encore aujourd’hui, une femme ne l’est pas vraiment complètement si elle n’a pas construit une famille ? Idiot, non ?
Alors je fais comme si de rien n’était et change rapidement de sujet.
J’ai 40 ans et cela fait 3 ans que nous essayons Jules et moi d’avoir un enfant.
Ni l’un ni l’autre n’aurions imaginé que nous pourrions avoir des difficultés.
Ma propre mère était tombée enceinte si rapidement de mon frère et moi. C’était la même chose pour celle de Jules. La mère de Jules avait même eu son dernier enfant à l’âge de 46 ans. N’était-ce pas génétique ?
Tout d’abord, nous ne nous sommes pas inquiétés.
Au bout de 6 mois, nous commencions à nous poser des questions. Puis un an est passé et toujours pas de grossesse. Etait-ce lié au stress de nos activités professionnelles, à notre alimentation, à notre mode de vie ?
Nous avons essayé d’avoir une vie plus saine.
Pour le stress, ce n’était pas gagné. Difficile de ne pas se mettre la pression quand on commence à s’intéresser aux cycles, aux périodes d’ovulation… Avant, nous aimions faire l’amour. Depuis, nous le programmions.
Pour autant, toujours pas de grossesse.
Nous avons donc décidé de consulter.
Et là, nous avons vraiment pris conscience de ce que « rentrer dans un programme de PMA » impliquait.
Cela a commencé par toute une batterie de tests et leurs résultats.
Je ne crois pas avoir attendu avec autant de stress celui de mon bac.
Puis ils sont enfin arrivés.
« Bonne nouvelle » : pas de jaloux. Le problème venait de nous deux.
Mauvaise nouvelle : les chances que nous réussissions à être parents sans aide étaient quasiment nulles.
Un vrai coup de massue.
Ce jour-là, je me rendis compte que j’espérais encore qu’il ne s’agirait que de stress ou de mauvaises habitudes ou encore de temps. Il nous aurait fallu juste un peu de repos, limiter le chocolat, la cigarette.
En sortant de la clinique, j’ai pleuré. Beaucoup. J’avais peur.
Jules et moi n’avons pas attendu pour nous décider. Nous l’avions déjà suffisamment fait.
Nous ne voulions pas avoir de regrets.
Nous avons commencé l’aventure, avec ses injections d’hormones, ses échographies, ses prélèvements, l’attente, l’espoir.
C’est Jules qui me faisait les injections. Je n’ai jamais réussi à les faire moi-même. Rien de moins naturel que de s’enfoncer énergiquement une aiguille dans le corps, croyez-moi.
J’en suis maintenant à ma 3e FIV.
Les deux premières n’ont pas fonctionné.
Il ne faut pas stresser paraît-il.
Je voudrais bien vous voir à notre place.
Toute notre vie semble tourner autour de ces FIV, des examens, des injections.
Je suis parfois à bout de nerfs, sur le point de pleurer. Je ne sais pas dire si c’est lié aux hormones ou au stress que ce parcours génère.
Et cette maudite chanson qui tourne en boucle dans ma tête.
Vous savez, celle de Louane.
Invariablement, elle me revient en tête.
J’en ai même changé le refrain :
C’est le Jour 1
Le point de départ
Du cycle menstruel
Le jour de mes règles
Injections, examens
C’est celui qu’on retient
C’est le jour 1
Emotions en vrac
Du stress à tout va
Espoir exacerbé
Et toujours pas de bébé
C’est le jour 3 : transfert des embryons.
Pas d’œuf clair, cette fois-ci. Un peu plus d’espoir aussi.
Moi qui ne vais jamais à l’église, je me surprends de plus en plus à prier.
Jules et moi n’osons plus aborder le sujet. Nous essayons de penser à autre chose. Nous nous forçons à sortir pour nous changer les idées.
L’attente nous tue.
C’est enfin le Jour J, celui du test de grossesse.

J’ai senti quelque chose les jours précédents mais je n’ose plus en parler. Je sais maintenant que ce n’est pas forcément le signe d’un test positif. J’ai déjà fait cette erreur la fois précédente.
Je me pose la question de faire ce test uniquement demain.
Peut-être est-il encore trop tôt ?
Je sais que c’est idiot mais j’ai tellement peur du résultat.
Mais je m’arme de courage, je prends le test et me rend aux toilettes.
L’attente me semble interminable.
Une torture.
Je n’ose pas regarder.
Je respire un grand coup et finis par regarder.
Ma vue est trouble. Puis je lis le résultat. Une fois, deux fois.
Ma tête me joue-t-elle un tour ?
Je vérifie.
Serait-ce que… ?
Je sors des toilettes précipitamment, prenant à peine le temps de me rhabiller correctement et manque de faire tomber Jules qui se trouvait derrière la porte.
Il ne sait que comprendre. Je suis blanche, à moitié en larmes.
« Je suis enceinte, mon amour. Nous sommes enceintes. Nous allons avoir un bébé. ».
Je le vois aussi ému que moi. Il ne sait quoi dire et finalement me prend dans ses bras et me sert à m’étouffer.
Je sais bien que rien n’est gagné.
L’ombre de la fausse couche est toujours présente mais je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie.
Nous décidons de laisser passer les 3 mois avant de prévenir notre entourage. Un peu par prudence, surtout par superstition.
Pour ces mêmes raisons, nous n’avons rien acheté pour le bébé pendant cette période.
Je crois bien que nous avons attendu près de 6 mois avant de commencer à nous intéresser aux prénoms.
Et puis il est arrivé dans notre vie.
Notre petit miracle.
50cm, 3.2kg d’amour.
Je ne peux m’empêcher de la regarder.
Louane.
C’est son jour 1, celui qu’on retient.
Je souhaitais, par cette nouvelle, montrer à quel point la vie finit par tourner essentiellement autour des cycles bien malgré nous quand nous rentrons dans un parcours de PMA.
De ce fait, il devient difficile de penser à autre chose et de ne pas stresser.
C’est pourquoi il est vraiment important de sortir, se faire plaisir, rencontrer des amis pour parler d’autre chose.
Afin d’éviter de souffrir à chaque remarque maladroite, de mon côté, j’avais fini par en parler autour de moi, y compris au travail. J’avais également demandé à mon entourage d’éviter d’aborder le sujet sauf si je l’initiais moi-même. Quand c’est dit gentiment, les gens comprennent que nous essayons de nous protéger.
Un autre point important est que l’on pense souvent avoir le temps.
De voir des femmes célèbres donner naissance à un enfant à plus de 40 ans renforce malheureusement cette illusion.
Néanmoins, un bon point, certaines célébrités commencent à en parler.
J’espère que cette histoire vous aura plu.
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Au plaisir de vous lire.
Sophie
PS – Pour ceux qui ne connaissent pas la chanson de Louane, la voici :