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Héléna, enfant issu d’un don

« Héléna, enfant issu d’un don » est une histoire inspirée de l’actualité. Comme évoqué dans l’un de mes articles, l’anonymat du don sera de plus en plus de l’histoire ancienne. En effet, plusieurs sociétés proposent aujourd’hui de retrouver des parents (au sens large) grâce à des tests ADN. Ceux-ci sont toujours interdits en 2020 en France et passibles d’une amende. Mais de nombreux enfants issus de dons prennent le risque.

Outre cette possibilité offerte par la technologie, certains donneurs se sont faits également connaître, conscients de l’importance d’offrir à certains, non pas un père ou une mère mais l’accès à ses origines.

Des associations rassemblant enfants issus d’un don et donneurs militent également pour l’accès aux origines. C’est le cas, par exemple de PMAnonyme qui dispose d’un site et d’un groupe Facebook.

Je vous laisse maintenant découvrir cette histoire.

N’hésitez pas à commenter, partager, liker.

Au plaisir de vous lire.

Sophie

Enfant issu d'un don anonyme - recherche de ses origines - le bonheur en eprouvette

19h25

Ca y est. On y était. Elle avait tellement attendu ce moment.

Alors pourquoi n’arrivait-elle donc pas à sortir de sa voiture ?

Héléna était comme paralysée. Son cœur battait à tout rompre.

Bravo !

Faire 100km et rester là plantée comme une idiote.

Elle en avait tant rêvé, imaginé tant de scénarios. Et pourtant, elle se sentait incapable de bouger.

Déjà ce matin, elle avait trouvé toutes les excuses, toutes les activités possibles pour repousser ce moment, au risque d’être vraiment en retard.

Elle était finalement arrivée à l’heure. Elle n’aurait même pas su dire comment elle avait réussi cet exploit.

Elle avait réalisé quasiment tout le trajet en pilote automatique.

Elle avait même frôlé l’accident avant de se reprendre juste à temps.

19h30

Il allait falloir qu’elle se décide. Elle ne pouvait pas rester là ainsi. Il l’attendait.

Elle devrait déjà être heureuse qu’il accepte de la rencontrer.

Peu avaient eu cette chance et elle risquait aujourd’hui de louper la sienne.

Elle savait qu’elle ne se le pardonnerait pas, d’autant qu’elle avait bouleversé plusieurs vies en voulant aller au bout de sa démarche.

Celle de ses parents, de son demi-frère et surtout celle de cet homme qui l’attendait.

19h35

Elle était maintenant en retard. Pas de beaucoup. Ils s’étaient donné rendez-vous à 19h30 dans une Brasserie.

Brasserie - le bonheur en eprouvette - rencontre en un enfant et son donneur
Image par MustangJoe de Pixabay

« OK. Allez. On y va. Tu ne vas tout de même pas avoir fait tout ce chemin pour rien. Surtout après y avoir mêlé tes parents. Courage Héléna. Tu peux y arriver. »

Elle sortit de sa voiture et s’avança jusqu’au restaurant. Elle essaya d’apercevoir les clients. Etait-il déjà là ? Elle perdit courage et continua son chemin sur quelques mètres.

« OK. Respire. On dirait une gamine. Reprends-toi. Un peu de courage. »

Plus de 30 ans dans l’ignorance

Puis étaient arrivés les mouvements de protestation anti-PMA et avec elles, les manifestations de haine mais pas seulement. Des témoignages de personnes qui prônaient l’accès aux origines pour les enfants issus de la PMA. Certains avaient même fini par retrouver leur donneur grâce à des sites.

Alors, dès qu’elle avait su qu’elle avait une petite chance de savoir, elle s’était lancée corps et âme. Elle avait mis toute son énergie dans ses recherches. Du temps et de l’argent aussi.

Pourtant, pendant des années, cela n’avait pas eu d’importance. Ses parents l’aimaient. Elle connaissait leur histoire. Ils lui avaient dit dès le départ, dès qu’elle avait été en âge de comprendre.

Elle ne ressentait pas ce manque jusqu’à présent.

Mais maintenant qu’une possibilité même infime lui était offerte, il fallait qu’elle sache.

Né sous la forme d’un minuscule espoir, cela avait grandi en elle jusqu’à devenir une obsession. Ne pouvant se l’expliquer elle-même, elle avait eu du mal à le faire comprendre à ses parents. Pourquoi maintenant ? Avaient-ils fait quelque chose ? Elle avait lu le sentiment de culpabilité dans leurs yeux. Comme beaucoup de parents passés par la case PMA, la question de l’égoïsme possible de leur démarche se posait seulement maintenant. Et les manifestations anti-PMA n’aidaient pas. Elle avait essayé de les rassurer autant qu’elle le pouvait. Elle avait passé une belle enfance dans une famille aimante. Bien sûr, ce n’était pas parfait mais quelle famille l’était ?

Mais aujourd’hui, elle ressentait juste le besoin viscéral de savoir.

Lui ressemblait-elle ? Elle se rendait compte qu’elle avait peu de traits physiques communs avec ses parents. Petite brune aux yeux bruns alors que ses parents avaient les cheveux clairs. Sans parler de son caractère. Elle était fonceuse quand ils étaient si prudents. Mais cela n’était-il pas justement en réaction vis-à-vis de ses parents et non un trait de caractère qu’elle partageait avec son donneur ? Elle avait imaginé tant de choses ces derniers mois.

Elle n’avait plus que ça en tête ou presque. Lassée de cette situation, elle avait décidé de se lancer. Elle n’avait pas osé en parler à ses parents au départ. Ils n’étaient pas les seuls à s’être sentis coupables. Elle s’en voulait elle-même de leur infliger cela. Mais elle ne regrettait pas de l’avoir fait. Après quelques semaines, ils l’avaient appelée pour lui dire qu’ils comprenaient et la soutenaient dans sa démarche.

Ils lui avaient même retrouvé tous les papiers de l’époque.

S’en était suivi une longue enquête, faite d’espoirs et de déceptions.

En se renseignant sur internet, elle avait vu que certaines entreprises proposaient un test ADN et une base de données.

Certes, les sites étaient en anglais et ce n’était clairement pas son fort mais avec l’aide d’internet (merci Deepl.com) et la motivation qui l’animait, elle avait réussi à se débrouiller.

Enfant issu d'un don anonyme - recherche ADN - le bonheur en eprouvette
Image par Gerd Altmann de Pixabay

Elle avait payé 99 dollars. Pour cette somme, la société promettait non seulement de pouvoir retrouver des parents dans le monde entier mais également de découvrir comment notre ADN influençait nos traits de visages, nos goûts… Plus que l’origine de ses traits, c’était bien sûr la possibilité de découvrir son père biologique et/ou des demi-frères et sœurs qui l’intéressait.

Et surtout savoir d’où elle venait.

Elle avait bien entendu parler des risques liés à la confidentialité des résultats. Qui y aurait accès ?

Mais, apparemment, la société garantissait le secret des données. C’est elle qui déciderait quel niveau d’accès elle fournirait par la suite. Et le site était sécurisé. En tout cas, c’est ce qu’il prétendait.

Le coût était relativement élevé pour elle mais cela en valait la peine. Elle ne voulait pas avoir de regrets. Elle avait donc fait l’impasse sur quelques sorties et regardé encore un peu plus les prix lors de ses courses.

Elle avait reçu rapidement son kit.

Le laboratoire avait juste besoin d’un échantillon de salive. Une fois l’échantillon reçu, le laboratoire s’engageait à fournir les résultats dans les 3 à 5 semaines.

Ce furent les semaines les plus longues de sa vie.

Et pourtant, quand on lui avait indiqué que ses résultats étaient disponibles, elle avait hésité à en prendre connaissance.

Etait-ce une nouvelle voie sans issue ? Serait-elle encore déçue ? Si c’était le cas, déciderait-elle d’abandonner ?

Et elle s’était finalement connectée.

Rien.

Absolument aucun parent dans la base de données.

Elle resta un long moment à fixer son ordinateur.

Elle ne comprenait pas. Comment était-ce possible ?

Tout ça pour ça ?

Elle était partagée entre la douleur et la rage.

Elle pleura ce jour-là. Beaucoup. Elle avait tant espéré. Elle savait pourtant que ce n’était pas garanti. Il fallait que d’autres parents fassent le test.

Et pour cela, il fallait en ressentir le besoin.

Pourquoi un donneur à qui on avait garanti l’anonymat aurait-il l’idée de faire cette recherche ? Et puis, il était possible qu’elle soit le seul enfant issu de son don.

Elle se sentait stupide.

Et elle ne se sentait pas le courage d’en parler, même pas à ses amis les plus proches. Et encore moins à ses parents.

Elle s’isola pendant quelques temps.

Elle refusait de sortir sous prétexte de fatigue et de charge de travail.

Il faudrait pourtant qu’elle affronte de nouveau le monde extérieur mais elle ne se sentait pas encore prête.

Il fallait qu’elle digère la nouvelle.

Quelques semaines plus tard, alors qu’elle s’apprêtait à en parler à ses parents, elle reçut un mail. Une personne enregistrée sur le site souhaitait prendre contact avec elle.

Elle hésita.

Mais qu’avait-elle à perdre ?

Elle accepta le contact.

Un demi-frère ? Elle avait un demi-frère !

Enfant issu d'un don anonyme - recherche de parents - le bonheur en eprouvette
Image par S. Hermann & F. Richter de Pixabay

Il venait de faire le test. C’est pour cette raison qu’il n’était pas ressorti dans ses résultats au moment où elle en avait pris connaissance.

Il lui expliquait qu’il avait fait le test parce que son père lui avait avoué qu’il avait été donneur. A défaut d’être enchantés, ses parents étaient au courant de sa démarche.

Apparemment, elle n’était pas la seule à avoir chamboulé quelques vies.

Elle apprit qu’il s’appelait Max.

Il avait trois ans de moins qu’elle, était fils unique, marié et vivait à environ 80km de chez elle.

Après quelques messages échangés, il lui proposa de continuer la conversation via Skype.

Ils commencèrent par s’amuser de leurs différences et points communs. Brun aux yeux marrons lui aussi. Grand contrairement à elle. Il était moins réservé qu’elle, très souriant. Il ne semblait pas le moins du monde gêné par la situation. Cela l’aida à se détendre. Au bout de deux heures, ils mirent fin à leur conversation, se promettant de reprendre contact rapidement.

Ce qu’ils firent régulièrement les semaines suivantes. Héléna avait maintenant l’impression de le connaître depuis toujours.

Ils décidèrent de se rencontrer.

Ils se donnèrent rendez-vous dans un bar à mi-chemin entre leurs domiciles respectifs. Un terrain neutre. Cela se passa merveilleusement bien. La complicité qu’ils avaient eue au téléphone s’était confirmée. Et il lui avait proposé de rencontrer sa femme la fois suivante.

Et puis un jour, il la rappela pour lui indiquer que son père serait d’accord pour la rencontrer. Comme il n’était pas certain du résultat, il n’avait pas voulu lui en parler. Il ne voulait pas créer une attente qui pourrait aboutir sur un échec.

Dès qu’il avait réussi à la contacter, il en avait informé ses parents. Il avait continué à en discuter avec son père même si aujourd’hui, il avait arrêté d’en parler devant sa mère. Celle-ci avait quelques difficultés à assimiler la nouvelle.

Son père était réticent au début.

Puis, au fil des discussions, Max avait vu apparaître une lueur d’intérêt dans ses yeux.

Si elle était d’accord, il pouvait pousser encore un peu pour qu’il accepte. Qu’en pensait-elle ?

Ce qu’elle en pensait ? Elle était terrifiée, proche de la panique !

Il lui demanda d’y réfléchir. Si elle était prête à se lancer, il serait là pour l’aider du mieux qu’il pouvait.

Finalement, elle avait accepté quelques jours plus tard après en avoir parlé à ses parents.

Puis tout était allé très vite.

Un premier contact téléphonique, un peu compliqué l’un et l’autre ne sachant quoi dire.

Elle lui avait expliqué sa démarche, lui assurant qu’elle ne cherchait pas de père de substitution, juste des réponses sur ses origines.

Cela avait semblé le rassurer.

Il lui expliqua qu’il était au courant de la démarche de son fils. Il était bien conscient que cela pouvait arriver un jour mais il souhaitait préserver sa femme.

Il n’avait pas honte de ce qu’il avait fait, loin de là. Il l’avait réalisé car il avait eu connaissance de personnes ne pouvant concevoir d’enfants dans son entourage. Il s’était dit qu’il pouvait faire quelque chose à son niveau pour aider d’autres couples.

Mais il ne s’était pas posé plus de questions que ça sur les enfants qui pourraient par la suite naître de son don.

Il n’en avait jamais parlé à sa femme.

Pas pour le cacher. L’occasion ne s’était tout simplement jamais présentée. Et ce n’est pas facile à placer dans une discussion.

Le sujet avait été abordé récemment par son fils au vu des actualités. Certains enfants issus de dons réclamaient l’accès aux origines, a minima pour les futurs enfants. Dans le même esprit, Max ne trouvait pas illogique de redemander l’autorisation aux donneurs passés de lever l’anonymat. Ceux-ci avaient toujours la possibilité de refuser. Quel mal y avait-il donc à le faire ?

Il lui avait alors dit qu’il avait été lui-même donneur avant de connaître sa mère.

S’en était suivi ce qu’elle savait déjà.

A sa grande surprise, il lui proposa de la rencontrer.

Dans un endroit public car il souhaitait préserver sa femme.

Il lui amènerait quelques photos et lui raconterait l’histoire de la famille.

Elle avait accepté.

Aujourd’hui était le grand jour mais elle n’arrivait toujours pas à se décider à entrer dans le restaurant.

Alors, elle prit une grande respiration et entra dans la brasserie.

Comment allait-elle le reconnaître ?

Elle n’avait même pas pensé à demander une photo.

Elle balaya la salle du regard.

Des couples, des jeunes, une femme seule…

Un homme d’une cinquantaine d’années assis à une table pour deux. Il semblait absorbé dans ses pensées, nettoyant machinalement ses lunettes.

Elle s’approcha et se lança : « Jacques ? ».

Arraché à sa rêverie, l’homme leva les yeux : « Héléna ? ».

A SUIVRE


J’espère que cette histoire vous aura plus. Certains d’entre vous sont peut-être restés sur leur faim, s’attendant à être témoin de la rencontre d’Héléna et de son donneur.

Rassurez-vous. J’en écrirai une suite avec, cette fois-ci le point de vue du donneur.

Comme je l’expliquais, « Héléna, enfant issu d’un don » m’a été inspirée par l’actualité et notamment les témoignages bouleversants.

Peut-être êtes-vous vous-même concerné de près ou de loin.

N’hésitez pas à le partager avec nous dans la partie Commentaires ci-dessous.

A bientôt.

Sophie

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